Ces dernières semaines nous ont apporté des nouvelles au sujet de la reconnaissance de l’État palestinien. Depuis l’annonce formelle de la Suède de sa pleine reconnaissance de l’État jusqu’à la décision de certains Parlements européens d’exhorter leur gouvernement à cette démarche, en passant par les déclarations de la Haute Représentante de l’UE, ces évènements représentent des positions et des décisions encourageantes en faveur d’une question qui aurait dû être résolue depuis longtemps.
Tout nous indique que le Parlement espagnol votera demain une résolution dans ce sens à proposition du Groupe Socialiste et qui très probablement aura le soutien unanime de la Chambre. Cependant, la reconnaissance de l’État palestinien n’est pas quelque chose de nouveau et l’opinion publique espagnole et européenne devraient se rappeler qu’en mai 1999, l’Europe a adopté la Déclaration de Berlin au moyen de laquelle elle s’est engagée à reconnaître l’État palestinien le moment venu. Et bien, il semblerait que ce moment est venu et que cette décision politique d’énorme transcendance pourrait s’adopter dans les mois à venir. Je me souviens qu’il m’a correspondu de la négocier en tant qu’envoyé de l’Union européenne pour le processus de paix au Moyen Orient et je ne puis oublier les difficultés et les obstacles que j’ai rencontrés en ce temps-là ; à cette époque, les États européens n’allaient pas au-delà de déclarer leur engagement à reconnaître un État de Palestine mais sans établir une date limite et sans parvenir à une décision finale.
Aujourd’hui, les circonstances sont toutes autres et cela vaut la peine d’expliquer pourquoi ce moment est venu et pourquoi tous les acteurs impliqués dans le processus doivent accueillir et défendre cette décision de façon favorable, comme un pas qui encourage la paix. Je pense qu’il faut démolir les arguments contraires et défensifs entravant la reconnaissance. Principalement, Israël, soutenu par les États Unis et par quelques pays européens assujettis, répète avec fermeté, quoique sans raison, que la reconnaissance de l’État palestinien constitue une action unilatérale qui contrevient et l’esprit et la lettre des négociations de paix. Pour ces interlocuteurs, l’État palestinien pourrait seulement être créé et reconnu comme résultat final de la négociation. Ce raisonnement est inexact tant dans le fond que dans la forme. Toutes les parties, y compris Israël, les États Unis, l’UE et le Conseil de Sécurité, ont plaidé pour la solution des deux États. La décision inattendue et courageuse, le 14 mai 1948, du Premier Ministre israélien Ben Gourion établissant l’État d’Israël et demandant sa reconnaissance internationale n’a-t-elle pas été unilatérale ? Pourquoi considère-t-on que cette décision n’a pas été unilatérale et, par contre, que la reconnaissance de l’État palestinien l’est ? Pourquoi ne pas voter et légitimer les aspirations de tout un peuple en lui accordant ses droits d’étatalité avec ses respectifs devoirs et obligations ? Bien au contraire, je pense que la déclaration de l’État palestinien contribue à résoudre les négociations en suspens sur un pied d’égalité. Qu’est-ce qui manque au peuple palestinien pour qu’on lui reconnaisse son « étatalité » ? Les milliers de documents, résolutions et déclarations accumulés dans les archives des Nations Unies et dans toutes les chancelleries du monde ne sont-ils pas suffisants pour résoudre définitivement la question palestinienne?
Ceux qui s’opposent à la reconnaissance invoquent la division entre la Cisjordanie et Gaza et prétendent que cette séparation ne peut garantir la cohésion et l’unité palestiniennes. Mais ne perçoit-on pas comment le Président Mahmoud Abbas met tout en œuvre pour unifier et contrôler tous les mouvements et les forces palestiniens ? Pourquoi ne pas l’aider dans cette tâche de taille historique ? Certains affirment que sans une définition claire des frontières, un État ne peut être reconnu. Mais est-ce que l’État d’Israël a une délimitation claire de ses frontières ? Est-ce que cette indéfinition sur son territoire l’a empêché d’obtenir la reconnaissance internationale ? Il est vrai que les Palestiniens veulent obtenir des garanties concernant quelles seront ses frontières définitives et, pour ce faire, ils ont présenté une résolution au Conseil de Sécurité afin de fixer une date de mise à terme de l’occupation des territoires occupés de 1967, parce qu’ils considèrent qu’il s’agit d’un élément complémentaire au processus de reconnaissance de l’État palestinien.
Toutes ces raisons ne sont pas suffisantes parce qu’il y en a beaucoup d’autres qui aussi favorisent Israël. Son État tirerait profit de la reconnaissance de la Palestine et de l’établissement définitif de ses frontières. C’est cette négociation avec Israël qui fait défaut dans les résolutions adoptées à Londres ou qui puissent l’être à Madrid ou à Paris. La reconnaissance de l’État palestinien peut représenter un instrument diplomatique essentiel pour débloquer cette dramatique impasse. Il faut offrir Israël ce que j’appelle un processus de double reconnaissance. L’Europe, les États Unis et Israël doivent reconnaître l’État palestinien et le monde arabe doit à son tour reconnaître l’État d’Israël. Celle-ci est la proposition diplomatique qui pourrait réunir les parties autour de la table de négociation. Pour ce faire, il faudrait faire revivre l’Initiative de paix arabe et promouvoir une négociation sérieuse pendant les prochains mois, une année au maximum. À son terme, ou bien la paix serait accomplie et on procèderait à la double reconnaissance, ou bien, si la négociation échoue, chaque État prendrait de façon libre et souveraine la décision de reconnaître un peuple qui lutte pour sa dignité historique depuis presque 100 ans, et un État palestinien serait librement établi, ainsi que sa reconnaissance internationale. La voie de la reconnaissance conduira probablement Israël et la Palestine vers la paix.