« La pensée politique et philosophique française a profondément marqué mon parcours »

Entretien réalisé par Vincent Garnier sur le Petit journal.com, le media des Français et francophones à l’étranger.

Ex-ministre des Affaires étrangères de 2004 à 2010, cet ancien élève du Lycée français de Madrid, francophone et francophile notoire, a débuté sa carrière diplomatique en 1977, en pleine transition démocratique espagnole. En Europe centrale d’abord, puis avec la Méditerranée comme horizon, il a été en poste en ambassade en Yougoslavie, à Belgrade et à Rabat, avant de prendre la direction de l’Institut de coopération avec le monde arabe, de 1991 à 1993, puis d’être nommé directeur général de Politique étrangère pour l’Afrique et le Moyen-Orient de 93 à 96. Ambassadeur d’Espagne en Israël entre juillet et décembre 1996, il a été nommé par l’Union européenne Représentant spécial de l’UE pour le processus de paix au Moyen-Orient, une mission à laquelle il s’est consacré de décembre 1996 jusqu’en juin 2003. Il se dédie depuis la fin de son mandat ministériel à la lutte contre la faim et la pauvreté, ainsi qu’à la promotion de la sécurité alimentaire et le droit à l’alimentation.

Quelles sont les origines de votre veine francophile ?

Ma relation avec la France, avec la culture et l’esprit français, date de l’époque où, l’Espagne étant plongée dans un régime autoritaire, ma famille a fait le choix d’une éducation libérale et progressiste. Le Lycée français apportait alors une forme d’ouverture, portée par des valeurs et des principes d’une France européenne, basée sur la culture, la connaissance, le sens critique et la liberté. J’ai depuis toujours porté avec fierté cette dimension francophone, qui est incontournable de ma formation intellectuelle, mais aussi de ma vie professionnelle et personnelle. Que ce soit au cours de ma formation diplomatique ou lors de mon implication dans les relations internationales, l’influence de la pensée politique et philosophique française a profondément marqué mon parcours. Et j’ai toujours vécu cette vocation francophone comme une symbiose qui ne m’a jamais empêché de défendre, avec fermeté s’il le fallait, les intérêts de mon pays.

En tant que ministre des Affaires étrangères, quel moment de la relation bilatérale avec la France vous a le plus marqué ?

La visite d’Etat du roi Juan Carlos Ier, en mars 2006, sous le Gouvernement Chirac, a constitué à mon sens un point d’inflexion dans notre relation avec la France. La grande amitié et l’énorme reconnaissance qui ont accompagné la visite du Roi, la certaine admiration que l’élite française a pu nous transmettre, ont été autant de signes du chemin qui avait été parcouru. C’était une autre Espagne qui arrivait en France et une autre France qui accueillait l’Espagne. Je crois qu’il y a un équilibre psychologique qui s’est produit au cours des 2 dernières décennies, un respect mutuel qui a énormément contribué à la maturité sereine qui caractérise notre relation actuelle.

Vous êtes à l’origine d’un projet qui gravite autour de la figure d’Albert Camus, dans sa dimension méditerranéenne.

Les premières Rencontres Littéraires Méditerranéennes, organisées fin avril à Minorque, ont pour objectif de rendre hommage à Albert Camus, dont la mère est originaire des îles Baléares. Il s’agit en fait, à l’occasion des 60 ans du prix Nobel d’Albert Camus, non seulement de témoigner de la puissance et de la portée de son œuvre, mais aussi de dégager à partir de la pensée camusienne, des pistes de réflexion concernant les problèmes contemporains que rencontrent les populations méditerranéennes.